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Icône de 1847 La stalle épiscopale
 
Le collatéral sud Icônes du compartiment
supérieur de l´iconostase,
dit Saff ar-Rousol
en arabe
 
Pierre à croix surmontant la
fenêtre septentrionale
 
Église Saint Georges (Mar Gerios) de Kfar Aaqa
Notice historique

 


L'église Saint-Georges de Kfar Aaqa est située sur la place du village, à la lisière nord du bourg actuel. Relativement spacieuse, elle est l'église paroissiale de ce bourg.

Cette église est à notre connaissance la seule au Liban à avoir un plan en croix inscrite dans un rectangle. Les grandes subdivisions de ce plan sont d'ailleurs visibles de l'extérieur, du fait que les travées qui forment les bras de la croix sont non seulement plus larges mais aussi plus hautes que les quadrants. Les huit travées ainsi créées sont couvertes d'une voûte en berceau, sauf à la croisée de la croix où la pénétration des deux voûtes en berceau engendre précisément une voûte d'arêtes.

Le bâtiment se présente en même temps comme une église de plan basilical dont la partie orientale se termine par trois absides inscrites dans un chevet droit. L'abside centrale est naturellement plus haute et plus large que les deux absidioles placées dans le prolongement des nefs qui forment les quadrants de la croix. Toutes les trois sont percées d'un manfas, cruciforme à l'intérieur, mais qui se présente comme une petite ouverture à l'extérieur des absidioles, alors que le manfas de l'abside centrale est mis en valeur par un oculus à ébrasement décoré sur le pourtour de motifs géométriques. La communication entre l'abside centrale et les absidioles se fait à travers des passages aménagés dans la partie orientale des murs de séparation des nefs. Partout ailleurs, la communication entre les nefs et les travées se fait par de larges arcades percées dans les murs de séparation.

L'extrême sobriété décorative de l'église Saint-Georges de Kfar Aaqa est rompue par deux éléments décoratifs  typiques de l'art occidental en Orient.

Il s'agit en premier lieu de l'imposte ou de la corniche moulurée qui marque la naissance de la conque au-dessus de l'abside centrale et des voûtes en berceau. Cette moulure ceinture l'ensemble des parois intérieures des nefs qui constituent les bras de la croix. L'imposte qui sépare la paroi absidale de la conque dans l'absidiole nord présente un profil assez différent, mais d'inspiration identique.

Le second élément décoratif est constitué par le portail mouluré qui se détache nettement dans l'appareil en moellons du mur nord. Son archivolte moulurée porte aussi incontestablement la marque de l'influence croisée et s'inscrit dans toute une série d'archivoltes de même type, connues au Liban et dans les États latins d'Orient. On peut lui rapprocher les moulures, quoique plus riches, du portail sud de la cathédrale de Byblos ou du portail ouest de la chapelle castrale du Château de Marqab, des églises Saint-Sauveur de Koubba et Sainte-Catherine de Enfé.

La façade ouest de l'église comporte deux portes : l'une qui est plus large donne accès à la nef centrale ;  l'autre, à présent rebouchée, s'ouvrait sur la nef sud.  Il s'agit de deux portes très simples avec des piédroits à peine individualisés et des linteaux surmontés d'un arc de décharge surbaissé, typologiquement semblable pour les deux portes.  Juste au-dessus de l'arc de décharge de la porte centrale ouest, une dalle de 0,40m x 0,43 et sculptée d'une croix est insérée dans le parement extérieur du mur. Il s'agit d'une croix monumentale, aux bras pattés, qui s'évasent à partir du centre. Malheureusement, l'état de conservation de la dalle ne permet pas de connaître la forme des extrémités des bras, qui sont toutes endommagées.

L'église est parcimonieusement éclairée par des fenêtres ou lucarnes qui, dans leur état actuel, sont le résultat de  remaniements. Seule la lucarne percée au sommet du mur ouest, au-dessus de la porte centrale, pourrait dater de l'époque médiévale. Il s'agit d'une ouverture étroite et cintrée avec ébrasement.

Les murs extérieurs de l'église, malgré leur apparente homogénéité, présentent de nombreuses différences dans le traitement. Ainsi, par exemple, toute la partie haute et centrale du mur nord au-dessus de la porte est une réfection. Pour l'essentiel, ces murs sont construits avec des moellons maçonnés par assise et plus ou moins réguliers, avec les angles renforcés par des blocs de chaînage particulièrement grands aux angles nord-ouest et sud-ouest. Ces anomalies trahissent une histoire architecturale assez mouvementée.

La qualité de la maçonnerie des murs de séparation intérieure, qui portent en particulier les voûtes hautes des travées centrales, contraste fortement avec celles des murs extérieurs. Ces murs larges d'un mètre environ sont maçonnés avec des blocs soigneusement taillés et assisés. Le même type de maçonnerie est également utilisé pour une partie des voûtes sur au moins six assises au-dessus de la corniche moulurée. Seule dans la travée occidentale la totalité d'un tronçon de la voûte est ainsi construite. Partout ailleurs et au-dessus de ces assises, la voûte est maçonnée avec des claveaux moins réguliers. Il est très probable qu'à l'origine toutes les parois des voûtes étaient maçonnées de ce type d'appareil. On aurait reconstruit les parties effondrées des voûtes avec un matériau différent, moins soigné, mais sans doute plus léger. Partant de ces considérations et de quelques indices au niveau de la retombée des arêtes, il est tentant de penser aussi qu'à l'emplacement de l'actuelle croisée des transepts, c'est-à-dire au centre de l'église, se dressait une coupole qui a disparu suite à un effondrement. Si notre hypothèse est juste, l'église Saint-Georges de Kfar Aaqa offrirait alors un plan et une élévation typiquement byzantine. Dans l'état actuel de nos connaissances, cette formule est un exemple unique au Liban, aucune église à coupole n'étant connue. Ce type de plan et d'élévation n'est pas mieux illustré ailleurs au Proche-Orient. Le parallèle le plus proche est à offert par l'église géorgienne de la Sainte-Croix, près de Jérusalem.

On notera aussi dans les parois des voûtes en berceau la présence de trous rectangulaires placés à des intervalles réguliers et à la même hauteur. Il s'agit très vraisemblablement des trous de boulins dans lesquels logeaient les extrémités des poutres de l'échafaudage des moules en bois de la voûte. Ces trous qui ne servaient plus à rien après le démontage des échafaudages furent ingénieusement utilisés pour y loger des jarres acoustiques. On en voit encore quelques-unes en place.

Nous daterons l'église Saint-Georges de Kfar Aaqa de l'époque croisée (XII-XIIIème siècle), en nous basant sur la corniche moulurée et sur le portail à archivoltes. Quand bien même le portail serait un rajout tardif, il est difficile d'imaginer que la corniche moulurée l'est aussi. D'ailleurs, le village est mentionné dans un acte de donation médiévale :

"Cafaraca, fief du comté de Tripoli, dont le nom fut porté par ses possesseurs. Ce casal avait été donné à l'Hôpital en 11è s, par Pons, comte de Tripoli ; il s'identifie avec le village appelé Kefer-Akka, ou Keferka au sud-sud-est de cette ville. On y voit encore quelques vestiges d'un château du moyen âge".

La localisation et l'identification de ce château ne sont  pas encore bien établies. Jean-Claude Voisin (Châteaux et Églises du Moyen Âge au Liban, 1999, p. 392) est le premier à signaler "au centre du bourg, sur le point culminant, proche de l'antique église Notre-Dame" un bâtiment remanié qui peut être un exemple de maison-forte médiévale. Il se demande si le bâtiment en question ne serait pas l'ultime vestige de cet ouvrage fortifié. On accède à ce bâtiment par une porte cintrée d'un arc surbaissé formé de trois claveaux, avec une jolie clef en marteau. À l'intérieur, la voûte en berceau est renforcée par deux puissants arceaux qui divisent l'espace en trois travées transversales. Des ouvertures dans les parois latérales conduisent à des pièces encore inexplorées.


Lévon Nordiguian
Août 2007

 

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© Université de Balamand, Mise à jour mai 13, 2009