Introduction   équipe   Accès aux Cartes   Accès aux Listes   Adresses utiles   Nous contacter
Türkçe |
  .Expertises

La chapelle avant le dégagement de la végétation en juillet 2010 La chapelle dégagée en novembre 2010
 
Plan au sol relevé par Raffi Gergian (Équipe ARPOA 2010) L´abside emplie de remblais jusqu´à
l´imposte
 
Les murs renforcés par des boulins, vestiges de l´époque médiévale L´intérieur empli des restes d´une partie de la voûte effondrée
 
L´arc de soutènement et les ouvertures des pièces basses contigües à la chapelle Une des deux pièces voûtées contigües à la chapelle
 
La pierre dite "aux vertus thérapeutiques" Le pressoir à olives
 
Pierre en remploi à la base de l´arc de soutènement de la voûte
 
SAINT-SERGE (MAR SARKIS) DE BOUCHTOUDAR
Diocèse grec orthodoxe de Jbeil, Batroun (Mont Liban)
 
Rapport d’expertise préliminaire aux travaux de réhabilitation


Saint-Serge (Mar Sarkis) de Bouchtoudar est une petite chapelle votive de la vallée de Kfar Helda. Elle est située à Bsatin al-‘Ossi dans la circonscription de Bouchtoudar, en contrebas du monastère Saint-Jean-Baptiste de Douma dont elle relève. Pour avoir été longtemps désertée, elle fut recouverte d’une végétation sauvage et se trouve aujourd’hui en partie effondrée. La végétation fut dégagée en novembre 2010 pour permettre d’établir ce rapport.

De toute apparence, cette chapelle est la survivance d’un petit monastère rural d’âge médiéval dont on aperçoit encore deux pièces en ruine contiguës à la chapelle et une esplanade. Un petit oratoire (« mazar » en arabe) de construction récente occupe l’extrémité nord de l’esplanade. Autour de cet ensemble, on discerne les vestiges d’une exploitation agricole qui remonte probablement à la même période.

La vallée de Kfar Helda, entre Douma et Tannourine, est communément appelée « Vallée des églises ». Elle est effectivement disséminée de ce genre d’établissements qui remontent pour la plupart au Moyen Âge. Certains étaient des fondations monastiques familiales, d’autres des ermitages ou des pèlerinages. Il ne s’agit de monastères au sens actuel de ce mot, quand bien même ces trois types d’établissement ecclésiastique sont indifféremment appelés « deir » en arabe. Leur organisation est d’ailleurs différente de celle des monastères classiques agencés autour d’une cour. À la suite de Lévon Nordiguian, nous suggérons un modèle à part, où l’on note en premier lieu l’absence d’une cour aménagée et de tout agencement symétrique des unités construites. Au contraire, ces dernières sont disposées au hasard par rapport à la chapelle.

De toute évidence, les couvents familiaux faisaient office de communes agricoles. En sus de la chapelle, ils se composaient d’une ou de deux pièces annexes (Qillayat en arabe), de citernes (joubb), d’un arbre sacré et souvent de tombes ad sanctos, le tout étant implanté sur une terrasse cultivée. Quant aux ermitages, ils étaient le plus souvent entièrement ou en partie troglodytes, et se sont par la suite et pour la plupart transformés en pèlerinages.

Ces derniers comprenaient en outre une salle aménagée pour accueillir les fidèles venus implorer le saint patron du lieu, en quête de protection, de meilleure fortune ou de guérison. Les pèlerins étaient tenus de passer la nuit en prière et quelquefois de procéder à des bains curatifs pour voir leurs vœux exaucés.

Saint-Serge de Bouchtoudar appartient vraisemblablement à la première catégorie. Nous y avons noté les vestiges d’un pressoir à olives, d’une mahdalé et de nombreux éclats en argile de plats, d’écuelles et autres ustensiles domestiques… Dans l’état actuel du site, il est impossible de savoir à quelle époque le monument fut abandonné, et pourquoi. La famille qui l’a fondé a peut-être migré pour cause de guerre et d’exode, ou de mauvaise récolte et de famine. Il est possible aussi qu’elle n’ait pas pu assurer une descendance pour prendre l’habit de religieux et perpétuer l’installation familiale monastique. Il est encore plausible que l’évêque, de son côté, n’ait pas réussi à reprendre en main l’exploitation agricole et maintenir l’installation ecclésiastique.

Il ne survit en tout cas de Saint-Serge que la chapelle qui n’a plus de nos jours qu’une fonction votive. Jusqu’en 2010, elle était couverte de ronces et de végétation qui en bloquaient l’entrée et l’arrière, et empêchaient l’observation de ses unités constitutives. Elle est aujourd’hui en cours de prospection dans le but d’évaluer la possibilité de sa réhabilitation.

Il s’agit d’un monument mononef de forme rectangulaire orienté et abrité sous une voûte en berceau brisé. Ce rectangle est prolongé par une abside semi-circulaire lovée dans le chevet plat de l’édifice. La conque de celle-ci est effondrée, ainsi qu’une partie de la voûte qui surmonte le chœur. Une partie de l’imposte de la conque de l’abside est par contre toujours en place, ainsi que les assises en pierre de l’iconostase et les deux niches latérales du sanctuaire.

Les murs du l’édifice sont en pierre calcaire équarrie et sont renforcés par des boutisses. L’intérieur de la nef est rempli de remblais jusqu’à une hauteur d’environ 2 mètres.

Par endroits, l’enduit original des parois intérieures est encore apparent. Sur la paroi nord, on discerne sur cet enduit quelques tracés géométriques, peut-être ceux de peintures rupestres comme il était de tradition dans le pays de Batroun — ainsi à Saint-Jean-Baptiste de Douma , à Notre-Dame el-Kharayeb de Kfar Helda et à Kfour el-Aarbi en la chapelle ruinée de Notre-Dame as-Saqi ; et plus loin encore, comme à Notre-Dame de Hamatoura et Saint-Elie de Kfar Qahel.

Pour empêcher la voûte de s’effondrer, un arc de soutènement a été construit à l’intérieur de la nef, à un mètre de l’iconostase. Dans l’état actuel du monument, on ne peut déterminer la date de cette intervention. À la base de cet arc, côté sud, on discerne une grosse pierre en remploi, provenant probablement du pressoir à olives. Elle a été percée sur deux côtés, comme pour recevoir des pivots de direction opposée.

La chapelle ne comprend aucune ouverture, hormis une porte étroite et basse, et décalée vers le sud par rapport à l’axe de l’édifice. Deux fragments de colonnettes de calcaire, provenant sans doute d’une ancienne iconostase, servent de pierres aux vertus thérapeutiques. Elles se trouvent aujourd’hui dans le mazar. Ces pierres sont courantes dans les chapelles médiévales de la région et furent utilisées jusqu’aux années 1960. Les fidèles les roulaient sur les parties endolories de leur corps, espérant une guérison rapide.

Deux pièces étroites et voûtées sont accolées à la chapelle. Elles sont dans le prolongement l’une de l’autre et accessibles de l’intérieur. Leur utilisation est encore indéterminée. Ce modèle constructif n’est pas unique dans la région. On en trouve un exemple à Saydet el-Qale‘ de Kfar Helda, une autre chapelle d’âge médiéval aujourd’hui en ruine.

Une fois réhabilitée, la chapelle médiévale Saint-Serge de Bouchtoudar devra servir de lieu de culte à un camp d’été projeté, sur le site même, par le monastère Saint-Jean-Baptiste de Douma.

May Davie
Février 2011

En savoir sur http://home.balamand.edu.lb/english/ARPOA.asp?id=13508&fid=270

 

 

 

 

 

 

© Université de Balamand, Mise à jour mars 21, 2014