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  .Expertises
1. Le chantier de 2010 2. Plans au sol et du premier niveau (relevé par Raffi Gergian)
 
3. Détail du décor de la niche à encens du sanctuaire 4. Estampillage de motifs formant une croix inscrite dans un losange (extrait)
 
5. Moulure peinte d´une colombe en position plongeante sur le pilier central sud 6. Le cadre mouluré sur la voûte en berceau avant l´intervention
 
7. Dans le cadre mouluré, découverte d´un autre cadre peint de croix grecques aux extrémités pointues 8. Moulure d´une rosace en stuc dégagée dans le cadre mouluré
 
9. Détail du cadre estampillé sous les escaliers du mur nord 10. Le palmier décorant le bout inférieur d´un boudin
 
11. Le cosmogramme qui surplombe le sanctuaire 12. Le couronnement de l´arcade du mur nord
 
13. Même sorte de décors sur la niche du pilier central nord 14. Détail du décor de l´arcade nord
 
15. L´arcade sud ornée d´une croix inscrite dans un losange 16. Le cadre estampillé qui flanque le mur nord
 
17. Les bandeaux de couleur qui cernent les boudins de la voûte en arêtes 18. Autres peintures indéchiffrables
 
SAINT-ISAÏE (MAR CHAAYA) DE BROUMMANA
Diocèse de Jbeil, Batroun (Mont Liban)
 
Rapport technique préliminaire sur la découverte des stucs et de moulures peints et de peintures polychromes



À la demande du prêtre de la paroisse, l’équipe ARPOA a organisé dès novembre 2008 des séances de prospection des parois internes de l’église Saint-Isaïe de Broummana, dans le Metn, Liban.

Sous le badigeon, ces parois présentent des traces de moulures, d’estampilles et de peintures, qu’il fallait dégager pour en étudier la nature, apprécier l’exécution au plan patrimonial et réfléchir à un moyen de les sauvegarder, tout en les remettant en valeur ce décor.

Cette église date du XVIème siècle. Sa façade principale est une réfection qui remonte au XVIIIème siècle. La nef de cette église est couverte d’une voûte d’arêtes qui se prolonge par une autre en berceau qui recouvre le chœur et le sanctuaire (Figs. 1 et 2).

Experts consultés  :

Lévon Nordiguian, archélogue
Raffi Gergian, architecte-restaurateur.

I – La prospection de 2008 et le dégagement des décors en 2010

En 2008, pour apprécier l’étendue des surfaces décorées, nous avons eu recours à un décapage du badigeon sur de petites surfaces de 20x20 cm et de 20x30 cm, à des endroits différents des parois intérieures de la nef, du sanctuaire et des voûtes d’arêtes et en berceau.

Les interventions ont eu lieu à des endroits où les traces de décor sont lisibles sous la couche de badigeon qui couvre aujourd’hui les murs intérieurs de l’église.

  • La niche à encens du sanctuaire :
    Dégagement d’une colombe moulurée et d’un décor estampillé sur le côté nord du pourtour de la niche (Fig. 3).
    Très bon état.
  • L’intérieur de l’arcade aveugle du mur sud de la nef :
    Dégagement de trois couches de badigeon de couleur blanche, grise et rose, avant d’arriver à l’enduit de base sur lequel est estampillée une composition de motifs formant une croix de lumière inscrite dans un losange, par l’intermédiaire d’un estampillage répétitif de motifs différents (Fig. 4).
    Très bon état .
  • L’arc de cette arcade et le pilier sud central de la voûte jouxtant la même arcade :
    Dégagement d’une colombe en position plongeante et découverte de traces de peinture sur le corps et la queue de la colombe (Fig. 5).
    Bon état .
  • Au-dessus de cette même arcade, sur la voûte en berceau :
    Des peintures rehaussées de motifs en relief (rosace, boudins…) ont été libérées, formant un cadre mouluré au sommet segmentaire (Figs. 6, 7 et 8). Elles sont à peine déchiffrables. On devine des motifs formant des croix de couleur rouge orangée, assortis de moulures en rosace dont la plupart s’est effritée.
    Cette composition est en très mauvais état.
  • Mur nord sous l’escalier :
    Dégagement d’une croix byzantine tronquée à l’intérieur d’un cadre rectangulaire vertical composé d’estampillage de palmettes, de feuilles de vigne, de rinceaux… (Fig. 9)
    Très bon état .
  • La voûte d’arêtes couvrant la nef :
    Découverte de boudins sur les arêtes de la voûte, décorés sur leur partie inférieure de palmiers moulurés (Fig.10). Au centre de cette voûte, on présume l’existence d’un motif en étoile ou d’un cosmogramme peint.
    Mauvais état.
  • Le centre de la voûte en berceau au-dessus de l’iconostase :
    Présence d’un cosmogramme peint en polychrome sur la couche du badigeon gris, qui se trouve sous le badigeon blanc actuel. Ce cosmogramme porte une rosace en tourbillon en son centre. Il est entouré d’une couronne florale en rouge et bleu. Ce dessin semble d’exécution plus récente que les autres décors de l’église (Fig. 11).
    Bon état.

En octobre 2010, un chantier est mis en place pour libérer l’ensemble des stucs et des décors estampillés. La présence par endroits de mortier en ciment a rendu le travail très minutieux et pénible.

Certains ornements dégagés sont d’une rare beauté. Vus de loin, ceux qui couronnent les arcades aveugles de l’église donnent l’impression d’être des diadèmes de dentelle (Fig. 12 et 13). Les autres décors qui occupent le fond de ces arcades, surlignent le pourtour des niches et parent une partie des piliers, sont adroitement exécutés, mais semblent à première vue incomplets (Figs. 14 à 16).

Durant cette entreprise, un autre genre de décor a été découvert :

  • Des bandeaux de figures géométriques qui apparaissent des deux côtés et tout le long des boudins qui surlignent les arêtes de la voûte. Ces bandeaux sont de couleur rouge orangée et sont surlignés d’une teinte vive de bleu (Figs. 17 et 18).
    Ces peintures sont en très mauvais état.

II – Analyse des décors découverts

Par l’utilisation de la peinture et de motifs estampillés ou moulurés, deux types de décors ont été repérés :

  • Les décors peints et rehaussés ou non de moulures (boudins, rosaces, colombe).
  • Les décors estampillés dans l’enduit des parois et non colorés.

 

  1. Les techniques du décor
    Hormis la peinture appliquée sur l’enduit de base, le décor de l’église est créé à l’aide de moules en bois permettant l’exécution de motifs en creux et de motifs en relief.
    Les motifs en creux sont obtenus par estampillage répétitif sur la couche d’enduit en vue de composer un ensemble décoratif.
    Les motifs en relief sont créés à l’aide de moules en bois, pour être cimentés ensuite sur l’enduit et peints.

    Les moules en creux représentent 8 symboles chrétiens différents : la croix en palmier, le triangle décoré, l’œil, l’étoile, la corde, la feuille de vigne, la branche et le rinceau.
    Les motifs en relief représentent 5 autres symboles chrétiens, à savoir la colombe, la colombe plongeante, la rosace, le palmier stylisé, la corde stylisée (boudin).
    La couche d’enduit servant de support à ces décors est en plâtre. Elle est épaisse de 3 cm environ et de couleur ocre.

  2. Nature et localisation de ces décors
    Les ensembles décoratifs sont au nombre de 10 :

    - Dans le sanctuaire, la niche à encens :
    Décor de l’ouverture de cette niche, par la représentation de deux pilastres en corde torsadée surmontés par deux chapiteaux que surplombent trois colombes en relief (dont une est apparemment tombée).

    - Le mur sud de la nef :
    Couronnement de l’arcade aveugle par une frise en rinceau estampillé.
    Ornement de l’intérieur de l’arcade par une composition de plusieurs motifs figurant une croix.

    - Le mur sud de la nef, sur le pilier central au départ de l’arête :
    Colombe en relief et peinte, en position plongeante vers le bas du pilier.

    - La voûte en berceau surmontant l’iconostase, côté sud :
    Cadre de plus d’un mètre de hauteur au sommet segmentaire, contenant des peintures symbolisant des croix, rehaussées par des moulures en relief dont une rosace.

    - Le centre de la voûte en berceau surmontant l’iconostase :
    Cosmogramme peint en polychrome.

    - Le mur nord de la nef :
    Couronnement de l’arcade par une frise en rinceau estampillé.

    - Sur le pilier central du mur nord de la nef :
    Une niche à l’ouverture encadrée d’une frise et surmontée d’une croix et d’une colombe.

    - Le mur nord de la nef, sur le pilier central au départ de l’arête :
    Colombe en relief et peinte, en position plongeante vers le bas du pilier.

    - Le mur nord de la nef, sous les escaliers :
    Croix byzantine inscrite dans un rectangle.

    - La voûte d’arêtes :
    4 arêtes mises en valeur par des boudins et des palmiers stylisés.

 

III - Évaluation préliminaire des décors

  1. Dans leur positionnement actuel, les spécimens de décor que nous avons dégagés sur les parois intérieures de l’église nous amènent à penser :

    - soit à un programme ornemental qui est resté inachevé ;
    - soit à des vestiges d’un décor autrefois complet mais à présent considérablement altéré.

    L’emplacement de certaines figures est en effet aléatoire. Le cadre rectangulaire avec la croix byzantine sous les escaliers ne possède pas de figure semblable en symétrie sur la paroi opposée. Il en est de même de la croix inscrite dans un losange dans l’arcade aveugle du mur sud.
  2. Aux endroits dégagés, le travail d’estampillage est très finement exécuté et présuppose l’œuvre d’un maître qui a poinçonné les motifs selon des dessins préétablis.
    Certains décors présentent toutefois un côté inexpérimenté. La croix dans le losange de l’arcade du mur sud n’est pas centrée, et le cadre dans le mur nord est d’une horizontalité approximative.
    On peut donc penser que ces deux figures sont d’une autre main que celle du maître, mais avec l’utilisation des mêmes estampilles ; sinon elles sont d’exécution plus tardive.
  3. Ce type de décor est aujourd’hui rare au Liban. Les églises ayant eu pour grande partie leurs murs décapés sans études et sans photographies d’archives, nous ne pouvons estimer l’importance et la densité de ce type de décor sur le sol libanais.
    Nous savons néanmoins que de tels décors existent dans l’église de Smar Jbeil et dans la chapelle du monastère en ruine Saint-Isaïe (Mar Chaaya) de Broummana, aujourd’hui aux mains des grecs catholiques. Ce type de décor existait aussi dans la chapelle du monastère Saint-Elie de Chouaiya où il fut sauvagement décapé depuis quelques mois. On le retrouvait encore à Kfarchima, ornant l’iconostase de l’église Saints-Pierre-et-Paul , avant sa destruction lors de la rénovation de l’iconostase, il y a 9 ans.
  4. Jusqu’à plus ample information, ces décors dateraient du XVIIIe siècle. Le cosmogramme au-dessus de l’iconostase est du XXème siècle.
  5. Quant aux peintures en bandeaux de la voûte d’arêtes et du cosmogramme, elles semblent remonter au XIXe siècle, pour être reprises au début du XXe par l’ajout des motifs en bleu vif. De cette dernière période semble aussi dater la restauration grossière du cosmogramme peint sur la voûte en berceau au-dessus du sanctuaire.


IV – Une sauvegarde d’urgence

Vu leur rareté au Liban et leur valeur aux plans artistique et historique, les décorations de Saint-Isaïe de Broummana méritent une action de sauvegarde et de mise en valeur en tant que type de décor caractérisant l’art sacré orthodoxe du Mont Liban durant la période ottomane.

Étant donné la valeur de ce patrimoine et la précision des travaux à effectuer pour le sauvegarder, ce travail ne peut être confié qu’à un restaurateur spécialisé dans ce domaine.

La restauration peut se dérouler sur une durée de 3 mois, comme suit :

  1. Phase 1
    - Traitement, consolidation de l’ensemble des moulures des 10 figures.
    - Protection des peintures et des mastiques.
    - Mise en valeur par la restitution de leur couleur ocre originale, couleur qui ressort sur le fond blanc du badigeon actuel de l’église.

  2. Phase 2
    - Production de textes explicatifs à l’adresse du grand public, gravés sur des plaques fixées au mur à côté de chaque motif.

Remarque  : en préalable à toute intervention, le toit de l’église doit être imperméabiliséd’urgence.

May Davie
Novembre 2010-2013

En savoir plus sur http://home.balamand.edu.lb/english/ARPOA.asp?id=7736&fid=270

© Université de Balamand, Mise à jour janvier 9, 2014